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ScourgeBringer - Le Roguelite parfait n'existe p-

·6 mins
Essai Critique

En théorie, j’aime les roguelikes. Recommencer ne me dérange pas. L’idée d’apprendre un système plutôt qu’un niveau me fascine même. Mais en pratique, c’est une autre histoire.

Plusieurs roguelikes1 me sont tombés des mains avant la fin. Je n’ai pas su affronter la difficulté des cavernes de glace de Spelunky, les mystères de Noita m’ont donné le vertige, et même Hadès, sur lequel je prenais pourtant du plaisir, a du jour au lendemain cessé de me motiver. Je suis donc très prudent avant de me lancer dans un jeu du genre : je sais que ce sera tout ou rien. Soit il me lassera avant la fin, soit j’y accrocherai.

ScourgeBringer est de ceux auxquels j’ai accroché. Avec force.

Le premier point qui m’a séduit dans ScourgeBringer est que ses runs sont courtes. Particulièrement au départ, une run ne prend qu’à peine un quart d’heure (voire moins). Aller jusqu’à la fin se fait en moins d’une heure, je dirais même autour de 45 minutes. C’est un frein que j’ai sur plusieurs roguelites : des runs trop longues qui ne me permettent pas d’en tenter plus d’une ou deux sur une session de jeu. Particulièrement quand les premiers niveaux ne sont qu’une formalité chronophage2. Mais ce n’est pas le cas de ScourgeBringer. ScourgeBringer permet d’enchaîner plusieurs essais rapides, de relancer immédiatement après un échec pour retenter sa chance. On démarre une run, on meurt, on recommence. Un cycle court, prenant, comme un jeu d’arcade. Il peut même être joué le temps d’une courte pause3 et tout de même offrir un sentiment de progression ! Et surtout, c’est un jeu qui passe aux choses sérieuses dès le début.

Salle 1

ScourgeBringer est un jeu intense, cela va sans dire. C’est un action-platformer où notre héroïne peut sauter, esquiver, combattre au corps à corps avec une épée, ou à distance avec divers pistolets. Chaque salle exige d’éliminer tous les ennemis afin d’être franchie. Et cela va très vite. La qualité des mouvements dans le jeu est assez incroyable. Tout y est fluide, les sauts et attaques aériennes s’enchaînent sans interruption, on virevolte en permanence entre les quatre coins de l’écran. Ce soin exceptionnel apporté aux contrôles est à souligner. Il va de paire avec un level-design qui exige un mouvement permanent.

Les ennemis de ScourgeBringer ne font pas de cadeau. S’ils ne sont pas dangereux individuellement, c’est surtout leur nombre et leurs placements dans la salle qui posera problème. Leurs attaques sont rapides, il est très facile de se prendre un projectile qui fera très mal4. Pour ne pas se retrouver submergé, l’enjeu est de les éliminer rapidement, en prenant soin de bien se placer, et esquiver au bon moment. Une tâche quasi impossible à faire de manière consciente. Il y a trop d’éléments à surveiller pour pouvoir être attentif partout ! J’ai fini par développer une sorte d’instinct de survie pour nettoyer une salle. Sans que je ne sache comment, j’arrivais sur les ennemis sans réfléchir à leur position, je réagissais à des projectiles que je n’avais même pas vu, et je n’avais besoin de regarder mes cibles que du coin de l’œil pour les viser. La seconde où j’entre dans une nouvelle salle, je zigzague sans réfléchir, poussé par des réflexes inconscients, je martèle les coups d’épées tout en tirant sur les ennemis à l’autre bout de la pièce, et je renvoie même les projectiles qu’on me lance au visage au moment où ils m’atteignent. Dix secondes d’actions effrénées dont je ressors presque tremblant5, mais inexplicablement encore en vie.

Salle 2

La difficulté de ScourgeBringer est élevée dès le premier niveau. Et elle ne fait que grimper ! Il a tout de même un arbre de compétences, qui apporte des bonus et capacités presque indispensables pour avancer dans le jeu. S’il offre un bon sentiment de progression durant les premières run, ce n’est cependant pas une aide qui rend le jeu facile. En vérité, j’ai complété cet arbre alors que je n’arrivais qu’à la deuxième moitié du jeu. Et j’avais encore du mal à passer le deuxième étage ! Face à moi était alors l’abysse que je redoutais de plus en plus : pour terminer ce jeu, je n’aurai pas d’aide supplémentaire, il faudra que j’y parvienne par moi-même6.

Mais le jeu possède une courbe de progression étrangement satisfaisante. Mon avancée dans ScourgeBringer s’est faite sur un cycle qui s’est répété jusqu’à la fin. Je découvre un nouvel étage, qui constitue d’abord un « mur ». Mais après seulement la deuxième run, j’y prends mes aises. J’arrive au boss, qui bien que dur se laisse surmonter. Puis j’arrive à l’étage suivant qui, de nouveau, parait infranchissable. Et on repart pour un tour. On s’améliore étonnamment vite dans le jeu ! Il parvient brillament à désespérer avec des pics de difficulté impitoyables, mais jamais trop longtemps avant des victoires qui redonnent la force de continuer7. Bien sûr, aucun étage n’est jamais vraiment gratuit, ils demandent à être constamment vigilant. Aucune run n’est après tout jamais la même8. Mais à force d’enchaîner les runs courtes, je devenais perceptiblement meilleur à chaque tentative. Je constatais en permanence mes progrès, et avait le sentiment jouissif de devenir bon au jeu. Exactement la sensation que je désire d’un roguelike.

Non seulement j’ai fini ScourgeBringer, je suis même allé au jusqu’au vrai boss de fin ! Sur les deux mois durant lesquels j’y ai joué, il m’a captivé. Je ne suis pas nécessairement du genre à rechercher la difficulté à tout prix dans un jeu. Il faut qu’il ait des mécaniques intéressantes pour que j’ai l’envie de m’améliorer9. ScourgeBringer cochait toutes les cases pour ça. Court, minimaliste, nerveux… Tout était là pour me donner envie de devenir un « expert » de ce jeu spécifiquement. C’est mon trou. Il a été fait pour moi.


  1. Ou roguelites. Dans cet article, j’utilise « roguelike » pour désigner les jeux avec mort permanente et génération procédurale, et « roguelite » pour ceux ayant une progression entre les runs. ScourgeBringer est ainsi un roguelite. ↩︎

  2. J’aime beaucoup Noita, mais ses deux premiers étages lents et focalisés sur la collecte de ressources me rebutent toujours à le relancer. ↩︎

  3. Personnellement je joue principalement le soir. Pouvoir jouer sur des sessions de moins d’une heure est un critère que j’apprécie. ↩︎

  4. Un autre aspect qui me plait : la santé fonctionne en points. Pas de nombre à trois chiffres, pas de puissance d’attaque, pas de jauge. Juste 10 points de santé. Un dégât pris, c’est un point en moins. Très simple à comprendre. Et sans qu’il n’y ait besoin d’augmenter la force des attaques ennemies, ça descend très vite. ↩︎

  5. J’ai la mauvaise habitude de me mordre la lèvre inférieure dans les moments de jeu difficiles. Il a fallu que je perde cette manie sur ScourgeBringer, ça devenait douloureux. ↩︎

  6. ScourgeBringer est donc devenu un roguelike. ↩︎

  7. La difficulté adaptative du jeu, qui s’aligne au niveau du joueur, y est aussi probablement pour quelque chose. Mais même si je ne suis peut-être pas devenu aussi fort que je l’imagine, le jeu reste très difficile et je n’en suis pas moins fier d’en avoir vu la fin ! ↩︎

  8. Même si elles se ressemblent. Il existe différentes armes et bonus, qui changent entre chaque run. Mais ils ne sont pas aussi variés que dans d’autres jeux du genre. On a vite fait de se reposer sur les mêmes stratégies. C’est peut-être un des seuls défauts que je vois au jeu. Même si c’est aussi un aspect qui lui permet de se concentrer sur un challenge spécifique, et offrir cette progression naturelle. ↩︎

  9. Ce qui n’est ainsi pas le cas des Souls-like. ↩︎

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